Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

L’influence occidentale en Libye battue en brèche par la Russie, la Turquie et les Emirats arabes unis

Les démissions d’envoyés des Nations unies en Libye se suivent et se ressemblent. En annonçant son départ le 16 avril, le Sénégalais Abdoulaye Bathily est le troisième chef de la médiation onusienne à Tripoli à lâcher prise, après le Libanais Ghassan Salamé (2017-2020) et le Slovaque Jan Kubis (2021). Ils se sont tous heurtés à l’impossibilité de promouvoir une solution politique dans cet ex-eldorado pétrolier démantibulé depuis le renversement de Mouammar Kadhafi par une insurrection soutenue par l’OTAN, en 2011. L’adversité sur laquelle ils ont buté est double : la mise en coupe réglée du pays par un cartel de factions armées prédatrices, bloquant toute évolution, et la cacophonie internationale paralysant toute initiative de l’ONU.
Dès la rupture de 2011, la Libye avait été livrée à la rivalité entre Qatar et Emirats arabes unis, qui avaient pourtant fait cause commune contre Kadhafi. Le premier a cherché à promouvoir l’agenda des Frères musulmans drapés dans les couleurs de la « révolution » et les seconds à s’y opposer (avec l’aide des Egyptiens puis des Saoudiens) en recyclant des forces de l’ancien régime. L’affrontement a ouvert une fracture territoriale entre les provinces de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque non encore résorbée, malgré l’accord de cessez-le-feu ayant clos la « bataille de Tripoli » (2019-2020).
Ce dernier épisode militaire avait marqué un tournant en élargissant le spectre des ingérences étrangères sur une échelle inédite. Les Russes, par le biais des paramilitaires de Wagner, ont épaulé l’offensive du maréchal dissident Khalifa Haftar (l’« homme fort » de l’Est) contre le gouvernement de Tripoli (Ouest), auquel les Turcs ont prêté une assistance vitale. A l’instar du théâtre syrien, la Libye devenait une zone de collision entre Moscou et Ankara autant que de cogestion, une fois le cessez-le-feu d’octobre 2020 acquis sous leur houlette. Depuis, les deux nouveaux « parrains » se partagent sans heurt le butin libyen, où jaillit le pétrole et prospèrent les trafics.
Sur le plan militaire, ce condominium russo-turc s’est coulé dans la partition régionale : les forces d’Africa Corps – qui ont succédé aux milices Wagner – sont implantées en Cyrénaïque et au Fezzan (Sud) sous l’ombrelle de Haftar, tandis que les soldats turcs sont installés en Tripolitaine avec l’aval du premier ministre Abdel Hamid Dbeibah. Sur le plan diplomatique toutefois, les deux pays ont des visées plus larges, labourant indifféremment la Cyrénaïque et la Tripolitaine. Moscou a rouvert son ambassade à Tripoli tandis qu’Ankara projette d’ouvrir un consulat à Benghazi. Chacun guigne des contrats tous azimuts.
Il vous reste 53.84% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish